Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/404

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meil, celui dont la vie était comme la sienne propre, elle s’arrêta, les yeux secs, sentant s’éteindre en elle aussi l’existence. Comment, jamais plus un baiser de lui, jamais plus son sourire, jamais plus cette adoration qui faisait d’elle une femme divinisée, jamais plus les tendres propos qu’ils échangeaient, jamais plus l’extase continue qu’avait été leur amour pendant huit mois ? Voici qu’elle aussi devenait un cadavre, mais un cadavre encore vivant, forcé d’agir et de traîner encore une affreuse existence…

Cependant Jeanne, douce envers la douleur, et qui pleurait avec un calme cruel, au chevet du mort, s’était retournée ; elle vit Marcelle et dit avec une confiance qui ébranla celle-ci :

Approche-toi, ma pauvre petite, approche-toi.

Dans le jour intense qui entrait par le vitrage et envahissait l’atelier, la flamme des deux bougies qu’on avait allumées devant un crucifix, sur une petite table, contre le lit, voltigeait irréelle, diaphane. La beauté de Nicolas mort, baigné de cette lumière, était parfaite. Les longs cheveux rejetés sur une tempe dégageaient le front si noble ; le nez, à peine un peu serré, et qu’aucune ombre brutale n’altérait, rappelait toujours ce masque royal que les artistes avaient tant admiré chez le vivant. Mais le mystère de cette face à jamais silencieuse tenait tout dans un étrange, énigmatique et définitif sourire, qui