Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/406

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resta aux pieds du mort, de l’autre côté. Et là, le besoin d’expliquer son chagrin à cousine Jeanne, ou le besoin d’exhaler en un mot le sentiment qui faisait éclater sa poitrine, lui arracha ce cri :

— Nicolas était mon maître !

Et aussitôt, sa douleur se déchaînant, elle tomba à genoux sans penser davantage à cacher pour Jeanne ses larmes et ses sanglots. Et son regard, tout son désir se concentraient sur les mains de l’artiste qu’on avait jointes, ces mains d’ivoire si aimées, et qui ne la caresseraient plus. Oh ! les baiser une dernière fois ! dire que cela même ne lui était pas permis ! Le respect de Jeanne était plus fort en elle que sa sauvage souffrance. Elle n’avait le droit que de pleurer en silence, en se faisant humble et petite, en se dissimulant.

Cependant Jeanne, les yeux clos, priait sans regarder le cadavre. Son âme croyante poursuivait dans l’infini l’âme disparue et semblait l’y retrouver encore. Ce fut seulement au bout de deux longues heures que, ramenée aux contingences, elle vit Marcelle, toujours effondrée, sans mouvement, de l’autre côté du lit. Et l’étonnement de sentir là une autre douleur dépassant la sienne, lui fit appeler :

— Marcelle !

Le visage de Marcelle se releva et apparut à Jeanne si ravagé que, s’oubliant maternellement pour la jeune fille, elle murmura avec pitié :