Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/407

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— Tu as trop d’émotions ici, ma pauvre petite, il faut partir.

— Partir ! répéta Marcelle.

Et ce mot, elle le dit avec un tel accent de révolte, en enveloppant la dépouille de Nicolas d’un tel regard, elle fut tellement, à cette minute, la femme à qui l’on veut arracher son amant, qu’un premier éclair de vérité frappa Jeanne.

— Laisse-moi rester, cousine Jeanne ! supplia Marcelle.

Alors, l’inquiétude, la plus terrible curiosité troublèrent Jeanne. Elle scruta Marcelle, la dévisagea, violant le secret de sa douleur. Et la torture de l’amante était si intense, si farouche, si évidente, que le soupçon grandissait chez la femme trahie. Était-ce possible, pourtant ? Quoi ! cette enfant, à peine adolescente, aurait été la créature qui, dans les ténèbres, possédait Nicolas ! Tout le drame honteux qui avait abattu l’Idole se serait passé entre cette inconnaissable Marcelle et lui ? Et la vision des mois derniers se déroulait devant Jeanne, lui montrant les luttes, les tourments, la défaite de Nicolas, son abandon à elle, et la bête féminine triomphante en cette sauvage enfant. Et l’orage le plus formidable qui dut jamais ébranler son être moral, elle le subit là, entre le cadavre de son mari et cette adolescente redoutable qui avait été le poison de son bonheur. Mais la sainte veuve que la douleur venait d’emporter hors de la vie, et qui ne pouvait plus