Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/49

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— Comment ! s’écria Jenny Fontœuvre, il a épousé Dudu ?

— Et il n’a pas eu tort ; primo, parce que désormais Dudu n’a jamais existé ; secundo, parce que Dudu était une bonne fille qui n’a jamais fait le mal de sa vie.

— Sauf que depuis l’âge de treize ans, dit Jenny Fontœuvre, elle traînait par les ateliers et les garnis des peintres ses formes de petite sauterelle.

— Bast ! fit Juliette Angeloup, qui, ce soir, avec la corne de sa serviette brutalement enfoncée dans son faux-col, ses cheveux drus, ses lèvres fortes, avait tout à fait l’air d’un vieux monsieur très petit, où est le mal ?

— En effet, reprit Jenny Fontœuvre, où est le mal ?…

Nicolas Houchemagne regardait sans cesse madame Trousseline, son visage blanc et fripé, ses yeux flétris, tendres et graves, et ce modelé, ce modelé si dramatique, si discret et si émouvant des vieilles femmes qui ont courageusement souffert. Il lisait toute une vie sur ce visage-là. Et il regardait aussi, de l’autre côté de Fontœuvre, Juliette Angeloup qui disait : « Où est le mal ? »

Après l’interruption joyeuse que provoqua l’entrée de la langouste, cette tache de lumière rouge que Nelly Darche, la paupière clignotante, caressait voluptueusement du regard, la conversation s’aiguilla sur la morale.