Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/50

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— Le jour où vous voudrez me prouver, déclarait Juliette Angeloup, qu’une jolie fille, libre, n’a pas le droit d’aimer où elle veut, vous ne trouverez pas ça, en fait de bonnes raisons.

Et elle faisait craquer sous sa dent l’ongle blanc de son pouce étroit de vieille dame.

— Évidemment, tonnait Addeghem ; il n’y a qu’un précepte de morale qui soit indiscutable : ne nuire à personne. Mais condamner l’amour ! L’amour entre deux êtres qui ne relèvent que d’eux-mêmes, il n’est que douceur, bénédiction, sourire ! Il est beau comme la vie. Qu’il emplisse les rues, qu’il emplisse le monde !

Nugues riait tout seul en observant les deux bouteilles de bourgogne vidées, à droite et à gauche du grand homme.

— Seulement, ajouta Jenny Fontœuvre, il ne faut pas que l’amour s’accompagne d’une trahison ; il rentrerait alors dans la catégorie des fautes envers autrui ; exemple une femme trompant son mari, son ami.

— Attendez, répliqua Nelly Darche, si autrui ne sait rien, s’il ne souffre pas, si son bonheur lui reste, il n’y a pas de faute envers lui. Je connais un peintre, dont je tairai le nom, que sa maîtresse trahit, comme vous dites tragiquement, ma petite Fontœuvre ; mais elle fait des merveilles pour qu’il l’ignore, lui étant très attachée. Jamais il ne connaîtra la vérité. Alors…

— Là, je ne pense plus comme vous, mon