Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/53

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nappe, étouffait un soupir. Pour prendre le café, on revint à l’atelier. Il y eut une dispute parmi les enfants. Le petit François voulait retourner jouer avec ses sœurs derrière les colonnes, mais Hélène avait pris une chaise près de mademoiselle Angeloup, et s’obstinait à rester là, suspendue aux lèvres de la vieille artiste. Marcelle rôdait autour d’Addeghem qui, très excité, racontait à Nugues et à Nelly des histoires scabreuses. Madame Trousseline se rapprocha de sa fille.

— Jenny, observa-t-elle à voix basse, tu devrais envoyer ces enfants au lit ; les conversations qui se tiennent ici ne sont pas pour leurs oreilles.

— Ma pauvre maman, s’écria madame Fontœuvre, crois-tu que je fasse attention aux propos qu’ils peuvent saisir ? Marcelle en entend de toutes sortes. S’il fallait surveiller chacune de ses paroles devant ces mioches, ce serait gai ! Et quand même ils seraient dégourdis quelques années plus tôt, ils n’en seraient que mieux armés pour la lutte. Marcelle travaillera un jour pour gagner sa vie. Je veux qu’elle soit une fille avertie quand je la lancerai seule sur le pavé de Paris.

— Jenny, reprit la vieille dame avec sa douceur triste, il importe de laisser grandir l’enfant dans l’ignorance du mal. Cet aveuglement contribue à la pureté de ses pensées, à celle de l’atmosphère morale où se forme sa jeune âme. Hélène est d’une nature curieuse. Je la réprimande sans cesse à ce sujet ; combien de fois l’ai-