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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/56

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artiste éthérée comme vous. Je cherche à faire mon métier passablement, pour gagner ma vie, et je ne vise pas plus haut.

— Oh ! oh ! il ne faut pas appeler l’art un métier, madame, fit Houchemagne, moitié rieur, moitié scandalisé.

— Comment voulez-vous que je dise ? Je travaille par obligation : les temps sont durs. Vous êtes garçon, monsieur, libre de n’exister que pour votre art. Une femme mariée, une mère de famille qui a de gros soucis matériels, peut aimer sa peinture, certes ; mais ce n’est plus la grande flamme, la flamme unique, telle que vous la connaissez, vous.

Houchemagne dit tout bas, avec une sorte de pudeur :

— Tout ce qu’on donne de soi à son art, il vous le rend ; plus on est désintéressé avec lui, plus il est généreux ; il faut s’offrir à lui comme à un dieu. Alors, il vous comble. Avec lui, la parcimonie est un mauvais calcul. Certes, une femme mariée se doit toute aux siens. Mais, quand, artiste, elle est en face de sa toile, alors, qu’elle oublie le reste, qu’elle appelle l’ivresse, qu’elle peigne comme si son œuvre était le but de l’Univers, qu’elle soit pareille à un créateur de mondes !

— Ah ! si vous saviez ! reprit-elle avec des larmes qui lui perlaient aux cils, quand je prends ma palette, que je commence à mettre de la