Aller au contenu

Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’ailleurs la meilleure enfant du monde, avec qui ses cousins ne se gênaient guère. À l’appel de sa femme, Pierre allongea la tête dans la chambre, sans interrompre une tirade passionnée de Samson à Dalila ; il aperçut Jenny assise à sa table-bureau, un carnet à la main, menue et grasse dans son peignoir ouvert qui laissait voir sa poitrine ronde et son pied nu battant l’air. Elle était fraîche, presque enfantine. La nuit n’avait point défait ses cheveux. Dans la peau dorée de son visage, les yeux en amande avaient un glacé, un étincellement qui coupa court à la roulade de son mari.

— Comme tu es jolie, s’écria-t-il, comme tu es jolie !

Et jetant les serviettes, il vint à elle, humide encore et fleurant la lavande, et la fit rire à force de l’embrasser.

— Quand Jeanne est là, peux-tu dire que je suis jolie ! objecta-t-elle, un peu coquette.

— Ah ! s’écria-t-il en haussant les épaules, les autres femmes, je m’en fiche !

Un miaulement terrible, un cri de bête qu’on tue les fit se retourner vers le petit lit de Marcelle, où chaque matin le chat se pelotonnait, d’ordinaire. La petite fille, éveillée, était assise le dos à l’oreiller, et Minette, affolée, bondissait à terre, entraînant après elle une robe de poupée dans laquelle son corps souple était à demi entravé. L’une des manches était passée à la patte gauche :