Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/67

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lant sa blouse suspendue au chevalet. Justement, Jeanne de Cléden trouva d’elle-même la pose, et le piano était si bien placé par rapport à la lumière, que la conception fut réalisée du coup. Alors Jenny Fontœuvre prit ses fusains, commença l’esquisse sur un petit panneau, et l’enchantement redoubla. Elle travaillait, les lèvres serrées, toute fiévreuse ; par moment elle lançait une roulade.

Il lui fallut se mettre à peindre dès ce matin. Et ce furent, en rapides coups de brosse, les indications ternes, décousues, des esquisses. Du rose représentait la lumière dans la tunique vert bronze. Elle disait qu’elle aurait voulu de l’or pour peindre les cheveux. De temps en temps, le modèle, fatigué, dessinait sur le clavier une phrase musicale, ou bien chantait un bout de romance d’un soprano léger, ténu, comme lointain…

— Ah ! ma chérie ! s’écriait l’artiste, que Nicolas Houchemagne va te trouver belle !

— Comme j’aimerais le connaître ! soupira la jeune fille.

Jenny s’acharna pour finir l’esquisse avant le retour de Pierre, qui était à ses pensionnats de Neuilly. Elle n’ouvrit plus la bouche. Quand son mari vit le panneau, il s’écria.

— Tiens ! ça rappelle comme sujet le Renoir du Luxembourg.

— Tu trouves ? fit-elle d’une voix altérée.