Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/72

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formidable. Houchemagne n’avait pas copié la représentation antique, la bête surhumaine du Louvre ; il était allé directement à la conception. égyptienne pour la réaliser personnellement. Et il avait peint gigantesque, plein d’une douceur céleste et d’une force redoutable, le fauve aux yeux de femme qui crispait sur un gazon vert ses pattes rousses aux ongles de nacre. Véritablement, de toute son exposition, c’était la création la plus singulière, la plus fantastique : l’un des premiers mythes du monde transposé par un cerveau moderne ; la mystique du Nil interprétée par un des petits-fils des sculpteurs de gargouilles. C’était une gageure, un tour de force, la virtuosité d’un maître dont l’inspiration défie la folie.

Une quinzaine de petites études : nus, paysages, esquisses, remplissaient les vides, attestaient là sûreté professionnelle du jeune peintre inconnu. Jeanne de Cléden, dans une exaltation muette, allait du Centaure à l’Ange. Les Fontœuvre s’absorbaient dans l’examen des nus, surpris de cette manière si particulière qu’ils y trouvaient : la peinture épaisse, aux empâtements invisibles, qui donnait aux chairs, corrigée par une délicatesse très française, la volupté des Rubens. Marcelle curieuse, effrayée, s’était plantée devant le Sphinx, quand un bruit de voix qui s’approchaient retentit dans le couloir. En un clin d’œil, la salle fut envahie d’un flot de peintres. Addeghem, en pérorant, menait la bande. Il y avait