Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/74

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marchand de tableaux, et voici ce qu’il confiait au critique ce pauvre M. Houchemagne était depuis une heure dans le bureau, bien déprimé, bien abattu ne s’imaginait-il pas son exposition ratée, ses tableaux dépourvus d’intérêt, exagérés en leur simplicité voulue ? Le Sphinx ! Comment avait-il osé l’accrocher là ? Et le Taureau aile, quelle musculature mièvre pour le puissant être surhumain ! Rien ne pouvait le consoler. Il doutait de son talent, de son idée, de son œuvre, du public, de tout. Il gémissait sur les trois années de travail inutile que représentait cet ensemble. Il disait qu’il eût mieux valu peindre honnêtement des enseignes, et c’était pitié de le voir ajoutait le vieillard ému.

Cependant Jeanne de Cléden s’était assise à l’écart pour lire à son aise la petite brochure qu’Addeghem avait écrite sur le peintre. D’abord. Houchemagne, Nicolas Houchemagne, quel beau vieux nom de l’Île-de-France qui sentait son xiiie siècle, naïf, mystique et inspiré ! Et en effet, c’était au plein de cette poétique et charmante Seine-et-Oise, si avisée, si sereine, si spirituelle et si pratique, sur les bords du plus français des fleuves, qu’était né le jeune peintre. Il était tout bonnement le fils d’un vigneron de Triel, le fils d’une de ces anciennes familles paysannes qui tirent leur petit pécule de ce raisin triellois, aigrelet, piquant et savoureux comme l’esprit même du terroir. Il avait grandi à l’ombre d’une église