Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/80

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lampes, firent du thé. On voyait, contre la muraille, les portraits de femmes de mademoiselle Arnaud, si expressifs, si mélancoliques et si vrais, qu’on y lisait comme en un livre toute la détresse cachée d’un cœur féminin. C’était de la souffrance fixée, disait Jenny Fontœuvre.

Mais Jeanne de Cléden avait rejoint Houchemagne, au fond de l’atelier, près des petites toiles de l’Anglaise. Ils contemplaient ensemble une étude de chambre. Qu’elle était paisible et douce, cette petite chambre minutieusement dessinée, avec son lit un peu défait, les chaises en un léger désordre, la mousseline des rideaux relevée, et la glace mirant cette intimité, comme dans les vers de Rodenbach ! Aucune figure n’y apparaissait, et cependant, c’était plein de vie humaine. Les deux jeunes gens échangèrent un coup d’œil en pensant : « Comme c’est exquis ! »

Alors, miss Spring les voyant ensemble et se méprenant, baragouina d’un air sentimental, avec le sourire de ses dents proéminentes et de ses yeux de myosotis :

— Chère madame Houchemagne, vous trouvez peut-être qu’il manque là un très amoureux ménage comme le vôtre ; mais en vérité, ce couple n’est pas loin ; pendant que je peignais, je le savais dans la pièce voisine ; il venait de sortir et je jure cela qu’il vous ressemblait à tous les deux. Oui, oui, tout à fait aimable, tout à fait suave comme vous.