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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/81

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— Spring ! Spring ! misérable gaffeuse ! murmura Blanche Arnaud en la tirant par sa robe, que dites-vous là ? Ces jeunes gens se voient pour la première fois aujourd’hui. Mademoiselle est la cousine des Fontœuvre.

Jeanne et Nicolas étaient devenus pourpres. Ils s’absorbaient dans l’examen du tableau ; mais cette chambre, qui était véritablement tiède d’amour, sans qu’on put expliquer pourquoi, les troublait encore davantage. Alors ils s’entreregardèrent et rirent ensemble, juvénilement.

Désormais, les deux malheureuses artistes, dévêtues de leurs oripeaux, n’était plus ridicules, ni démodées. Dans leur simple robe noire elles se dressaient devant leur œuvre, buvant les louanges d’Houchemagne, l’admiration des Fontœuvre, l’émotion de cette charmante muse qu’était Jeanne. Leur puissance méconnue éclatait si fortement, que l’insuccès de leur vie comptait à peine. Elles connaissaient une heure de gloire.

On servit le thé dans des tasses dépareillées, on croqua de petits biscuits que miss Spring passait dans leur boîte de fer-blanc. Mademoiselle Arnaud avait entraîné Jenny dans un coin, près du rideau qui, glissant sur une tringle, voilait le fourneau et les ustensiles de toilette. Elle lui confiait :

— Je l’ai revu hier en omnibus. Il m’a reconnue ; il a pâli ; il a soupiré comme un homme qui souffre, mais il ne m’a pas adressé la parole.