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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/82

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Il a salué simplement en descendant. Ah ! ce coup de chapeau, mon amie, ce coup de chapeau venant de lui

Houchemagne et Jeanne de Cléden étaient. demeurés en tête à tête près de la lampe. Maintenant le peintre contemplait la jeune fille avec la hardiesse d’un portraitiste devant son modèle. On aurait dit que les propos inconsidérés de miss Spring, les nommant mari et femme, l’eussent enorgueilli, lui eussent concédé un droit sur cette inconnue ! Mais la vérité c’était surtout que cette extrême beauté l’enivrait et qu’il en prenait déjà possession, la traitait en maître, car il avait cette inconscience de l’artiste qui s’approprie sereinement tout ce qui peut servir à son œuvre. Jeanne sentait, sur chacun de ses traits, la caresse de ce regard. Elle dit timidement :

— Moi qui vis dans un désert, toute l’année, j’emporterai là-bas le souvenir de ce que j’ai vu aujourd’hui. Aujourd’hui, j’ai compris ce qu’était l’Art.

Il la remercia d’une phrase banale, et il contemplait, au fond de ses yeux de vierge, une âme tremblante et charmante, si pure qu’elle se laissait voir nue ; âme d’une jeune sainte de la Légende dorée, et qui correspondait en lui à un rêve secret…