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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/84

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cheval, remuait du col comme un taureau, imitait le piétinement léger des moutons au pacage.

Jenny, qui n’avait pas vendu sa Femme au piano, en reprenait le sujet pour l’agrandir. Elle travaillait, harcelée par les ennuis d’argent. Ayant emprunté sur sa toile dix louis à madame Dodelaud, elle n’osait plus envoyer sa fille chez les vieux marchands, de crainte de les importuner. Et Marcelle, qui vaguait tout le jour dans la maison, s’attachait aux jupes de sa mère, recevait tantôt un baiser et tantôt une gifle, selon que e la peinture allait bien ou mal.

Ce fut alors que mademoiselle Darche s’éprit de la petite fille et obtint de Jenny Fontœuvre la permission de l’emmener promener souvent. Cette émancipée aux airs tranchants, qui avait aimé plus d’une fois depuis sa prime jeunesse, était dévorée d’une soif insoupçonnée de maternité. Nul ne pouvait deviner que cette fille flegmatique avait désiré, avec des larmes, la venue d’un enfant. Se montrer en public avec les enfants des autres était pour elle une compensation à ce chagrin. Quand on la regardait alors, elle éprouvait une fierté qui, pour être usurpée, n’en était pas moins sensible.

Une fois, au retour d’une de ces promenades, Marcelle conta qu’elle avait vu le mari de mademoiselle Darche.

— Son mari ? s’écria la mère stupéfaite.