Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/89

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Et puis, tout à coup, en confiance soudain près de cet homme loyal, et oubliant les règles de réserve qu’elle s’était imposées, elle raconta l’amour de Jeanne, son retour à Paris, ses confidences, la répercussion de cette grande tendresse sur sa santé, et comme elle était triste, et rêveuse, et charmante et nouvelle du fait de cette grave passion qu’il avait su inspirer à cette fille délicieuse. Elle allait, elle allait, non sans une certaine éloquence chaleureuse, et elle s’aperçut qu’elle avait certainement troublé l’artiste, qui pâlit.

— Mais moi, moi reprenait-il très gêné de ce rôle ingrat, je n’éprouve pour mademoiselle de Cléden qu’une respectueuse admiration. Certes, je puis bien avouer que sa beauté, la merveilleuse pureté de son type, m’ont fort impressionné, et j’ai là des cartons où vous retrouveriez certainement son profil. Mais, vous comprenez, l’artiste seul s’est ému ; vous devez connaître cela, vous aussi, l’emballement pour des traits, pour un corps, pour une chevelure qui vous hantent, vous enchantent, vous ravissent, sans qu’il soit question d’amour, sans qu’il soit à peine question de sexe.

— Ah ! dit Jenny désolée, comment n’êtes-vous pas touché d’un si grand attachement ? Jamais je n’ai rencontré pareil amour.

Et soudain, dans un coup de sang qui prit cet homme flegmatique, jusque-là muré dans son art,