Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/92

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vénal, cette tendre fille. Puis des scrupules lui vinrent. L’élégance de mademoiselle de Cléden, les bagues de ses doigts, toute son aristocratie fleuraient un parfum d’opulence ; et il s’aperçut qu’il convoitait bassement, lui aussi, une vie riche, avec la joie de peindre sans souci du pain quotidien, et de passer dix ans sur une toile, s’il le fallait. De ce moment, il résolut de résister à tout entraînement. Jenny Fontœuvre, qui l’observait avidement, le vit devenir glacial. Dans la soirée, Jeanne eut le cœur si gros qu’elle dut quitter l’atelier pour cacher ses larmes. Comment la trouvez-vous, voyons, sincèrement ? murmura la petite Fontœuvre à l’oreille d’Houchemagne, quand la jeune fille les eut quittés.

C’est une déesse, dit-il en affectant de plaisanter, quoiqu’il commençât à n’en avoir plus envie. C’est une déesse, et moi je suis un pauvre diable. Concluez, madame.

Il prit congé de bonne heure, et avec une si évidente cérémonie, que, dès la porte refermée, les Fontœuvre s’entre-regardèrent et dirent tristement :

— Fini !

Le lendemain, Jeanne de Cléden, les yeux rouges, se leva dès l’aube et sortit. Elle allait au Louvre. Les quais parisiens sous leur buée bleuâtre, les peupliers frissonnants, l’eau sous les ponts, le décor splendide du palais des rois, en