Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/94

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ment de surprise quand elle l’aperçut au milieu. de la grande galerie.

Comme si le drame muet de la veille ne s’était jamais passé entre eux, ils se sourirent en se tendant la main. Se retrouver ainsi, ce matin, c’était une de ces choses inexplicables en apparence, un de ces événements incompréhensibles qui semblent relever du surnaturel, et qu’on jugerait au contraire tout simples s’il était permis de suivre dans les âmes l’enchaînement logique des impressions, depuis leur source jusqu’à leur aboutissement. Chez les deux jeunes gens, une succession d’idées différentes avait eu une résultante identique, et ils se retrouvaient au même lieu, ce matin, dans la même disposition romanesque et mélancolique, avec le désir de recourir aux puissantes et consolatrices sensations de l’art. Justement, le hasard les avait réunis devant le saint Jean-Baptiste de Vinci. Après un silence, Houchemagne montra celui qui montre l’invisible et demanda :

— Vous étiez venue le voir ? Vous l’aimez ?

Jeanne de Cléden, pâle et tremblante, murmura :

— Oui, je l’aime.

Quand elle eut prononcé ce verbe, Houchemagne eut un frisson ; il était à cent lieues du tableau ; il se rappelait la visite de madame Fontœuvre ; il se rappelait que cette belle vierge aux yeux tendres le chérissait, et il eut une minute de désespoir, de regret déchirant.