Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/95

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Jeanne reprit :

— Que pensez-vous qu’il veuille dire avec sa main levée, son sourire, sa séduction divine ?

Houchemagne répondit amèrement :

— Qu’il faut dédaigner le siècle, ses joies vulgaires, les biens terrestres ; s’y arracher d’un effort douloureux, surhumain, vivre dans le rêve, dans ce qui est immortel, l’Art, la Beauté, Dieu…

— Voyez pourtant comme son sourire est doux, dit Jeanne.

— Il ment, dit Houchemagne ; ce ne sont que des larmes qu’il vous réserve.

Ils s’absorbèrent un moment dans la contemplation de la toile, puis, poussant un petit soupir, sans transition, Jeanne déclara :

— Demain, je partirai…

Houchemagne eut un cri :

— Oh !

Elle le regardait ; il était de profil devant elle ; une sueur légère luisait à sa tempe ; ses yeux fixés sur le saint Jean, ses lèvres avaient une contraction de souffrance ; bientôt elles frémirent comme celles d’un homme qui pleure et, sans bouger, il prononça :

— Vous partez… vous disparaissez de ma vie… oui, cela vaut mieux… Vous êtes la première femme qui m’ait jamais ému. C’est un scrupule qui me force d’étouffer ma tendresse. Elle n’est pas pure. Il s’y mêle quelque chose d’odieux. Je