Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/96

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suis indigne de vous. Il vaut mieux que vous partiez.

Ils étaient absolument seuls dans l’immense galerie. Les rectangles dorés des cadres fuyaient. en perspective jusqu’à la salle des Velasquez, là-bas, et les sombres visages de l’École espagnole, les terribles faces d’Inquisiteurs seules semblaient en ressortir à force de vigueur, de puissance.

— Dites-moi tout, murmura Jeanne d’une voix à peine perceptible, j’ai le droit de savoir.

— Je vous aime riche, voilà ! dit le peintre en la regardant fixement, cette fois, malgré la honte qu’il avait de son aveu. Je vous aime riche comme je vous aime belle. La richesse est aussi une beauté. Elle contribue à donner à une femme telle que vous son charme de patricienne. C’est l’oisiveté de vos mains qui les a faites ce qu’elles sont. C’est la sécurité que crée la fortune qui a sculpté votre visage de paix, vos beaux traits de séraphin placide. C’est la puissance de l’argent qui vous a douée de votre aspect royal, car posséder est une grande chose, posséder, c’est pouvoir. Et c’est pour cela que je vous aime riche, et que votre fortune a allumé, dans le secret de moi-même, une convoitise ignoble.

À ces derniers mots, ses joues, son front rougirent, et il s’attendait à la sévérité de Jeanne. Mais il vit au contraire ses yeux s’adoucir jusqu’à l’humilité ; ses lèvres s’entr’ouvrirent de bonheur