Page:Yver - Monsieur Dominique.djvu/105

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velle humaine tout se juge par différence, c’était plus large, plus grand, plus ensoleillé que le rideau de sapins qui, constamment dressé devant lui, lui voilait Sainte-Solange ; aussi M. Dominique admirait-il naïvement cette terre unie comme une mer d’huile.

Lorsqu’il eut gagné la grande ville, où les sifflets de la machine excitaient les hennissements des chevaux sous la remise enfumée, ce fut un autre désordre : le désordre de la descente ; bousculade aux portières, où chacun voulait passer le premier ; bousculade sur la voie, où tous se pressaient pour fuir d’imaginaires accidents ; bousculade sous la remise noircie, où tout propriétaire voulait aller palper, une dernière fois, les flancs gras ou maigres de ses chevaux. Le sourd-muet avait suivi ses compagnons, et M. Dominique put un instant se croire débarrassé de tout importun ; aussi bien le flot humain qui, une heure auparavant, l’avait mis à la torture, s’éloignait bruyamment vers le champ de foire de la ville, et c’était pour lui une délivrance dont il jouissait avidement.

Déjà la portière avait été fermée, déjà la locomotive soufflait vers le ciel bleu ses gros flocons