Page:Yver - Monsieur Dominique.djvu/22

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Cresphonte se trouble ; il tremble, et rougirait s’il en avait le droit ; il jette le cigare, se lève, s’effraye, met un genou sur le soulier de M. X., joint les mains et s’écrie, poignant d’émotion :

— Massa ! massa ! pauvre Cresphonte fou !

Pauvre fou de Cresphonte ! il a bien tort de craindre les foudres de son maître. M. X., dans la réflexion et la solitude, s’est aguerri contre les colères non raisonnées ; il est maître de lui et ne s’emporte pas contre son nègre, mais au contraire lui pardonne, après une excellente admonestation, telle qu’un homme civilisé la doit à un être simple et sauvage comme le prévenu.

Et lui, ravi d’en être quitte à si bon compte, fait un bond de singe, court après le bout de cigare éteint, le rallume, et s’en va le fumer au jardin avec toute la fierté d’un prince dahoméen.

Septentrion, qui voit la scène d’un œil rêveur, semble dire :

— Voici un manant qui peut s’estimer heureux d’être vêtu de sa peau noire.

Il est évident que M. X. n’eût pas si débonnairement traité un type de sa race.

Le dîner est pacifique autant que frugal ; et en