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princesses de science

chaque soir, l’enfant à la « remplaçante ». La jeune doctoresse, passionnée pour son œuvre, s’y absorbait tout entière : son mari lui en voulait de ne concevoir aucune inquiétude. Verrait-il se réaliser ses craintes d’autrefois : sa femme, que le métier prenait de plus en plus, allait-elle en faire l’exclusive préoccupation de sa vie ? Il la blâmait silencieusement. Il aurait souffert davantage si, à cette époque, la profession elle-même ne lui avait offert tout à coup un puissant dérivatif.

D’un tempérament modeste, un peu taciturne, il poursuivait dans le secret ses études au laboratoire de thérapeutique expérimentale, à l’École de Médecine. Nul ne savait, dans son entourage, qu’il cherchait le sérum du cancer. Pendant des mois de patience, il l’avait cependant cultivé sur du bouillon de mamelle de vache, ce micrococcus mystérieux que son génie scientifique avait depuis longtemps pressenti. Puis, ç’avait été le travail d’inoculation : les cancers, les tumeurs de types variés reproduites chez des cobayes, des lapins, des rats blancs. Simultanément, il poursuivait le traitement palliatif chez le malheureux Jourdeaux, combattant la cachexie, s’acharnant à le conserver vivant pour le jour où triompherait sa thérapeutique de laboratoire… Et ce jour était venu. En atténuant la virulence des toxines, par un dosage lentement tâtonné de sels chimiques, il avait constitué un sérum. Sur sept lapins inoculés, quatre avaient pris le cancer ; chez trois d’entre eux,