Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/122

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dresse fraternelle greffée sur son éternelle mélancolie. À la fin elle l’embrassa.

« Merci, Annette, dit-elle d’un ton de serment, je vous promets de vous prouver un jour que je ne suis pas une ingrate. À partir d’aujourd’hui je vous suis dévouée. »

Cette déclaration de paix devait paraître passablement surprenante à Annette, qui ne savait même pas qu’il y eût eu guerre entre elles. Elle n’apprécia pas en tout cas, à sa juste valeur, l’avantage qu’il y avait à posséder une alliée de la souplesse, de l’habileté, de la perspicacité vieillotte et de l’ardeur latente de cette inconcevable Vittoria, figure changeante, nature double, capable d’autant de férocité dans le dévouement que dans la vengeance.

Une heure plus tard, les deux nouvelles amies et les Anglaises se mettaient en route pour Paris à la recherche d’un marbre semblable au marbre : défunt. Nelly et Frida, qui, elles, avaient le dédain ouvert et l’ironie franche, appelaient toujours Annette, bien en face, « Café au lait » ; au début, c’était profondément contemptueux, et la créole en avait souffert ; puis, peu à peu, l’habitude avait émoussé l’acuité du surnom ; cette fois, dans le ton où elles avaient dit ces trois mots : « Made-