Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/134

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les écrivains d’éprouver jusqu’au fond les émotions, et de les rendre. C’est affreux, n’est-ce pas ? de penser cela, cette malheureuse petite vie qu’on dispute depuis neuf ans à la maladie, et qui va s’éteindre, qui va passer entre les mains de mon pauvre ami, juste au moment où il avait le plus d’espoir !

— C’est bien curieux, fit Ogoth sans attendrissement visible ; je l’avais vu beaucoup mieux jeudi.

— Une traîtrise de la maladie, répondit Nouvel, une crise qui l’a saisi le lendemain ; c’est affreux, je vous dis, c’est affreux… »

Il faisait un singulier contraste, dans son souci d’être ouvertement impressionné — cet art inconscient qu’il mettait à exprimer ses sentiments — avec Ogoth, l’infrangible Ogoth, qui le dissimulait au contraire, dans une sorte de pudeur orgueilleuse. Elle avait une maxime : « Être au-dessus. » Celle de l’autre aurait pu se transcrire : « Être vrai », tant sa continuelle préoccupation était de rechercher l’exactitude des choses, et de les faire voir.

« Regardez donc, dit-il en se redressant, je suis venu jeter un sort de tristesse sur votre fin de jour ; vous allez me maudire, mesdemoiselles.