Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

danger. Elle n’était cependant pas encore quitte à ses propres yeux. Une idée jaillit sous son front illisible ; comme elle allait rejoindre ses jeunes sœurs, elle fit volte-face, gravit encore un étage, et se trouva devant la porte d’Annette. Ce qu’elle avait confié à l’étudiante, elle pouvait venir le dire ici, dans le mystère de cette petite chambre, et ruiner d’un mot, dans le cœur de la créole, celui qu’elle haïssait maintenant avec passion. Elle hésita cependant une minute, son naturel artificieux n’étant pas de force à supporter la brutalité d’un tel tête-à-tête ; et après l’hésitation, elle remit à plus tard ce double accomplissement de sa gratitude et de sa vengeance, et elle redescendit, comme ces oiseaux nocturnes que la lumière vive effraie.

Dans la semaine qui suivit, Annette connut le supplice enchanteur de l’attente ; elle compta les nuits et les jours, jusqu’au vendredi bienheureux qui devait la ramener auprès du seigneur de ses pensées. Elle accompagnait ses amies dans de rêveuses promenades ; un jour, au Bois, elles eurent l’étonnement de se trouver, à un détour d’allées, face à face avec la voiture du petit Étienne que conduisait une vieille bonne. Un mieux brusque s’était déclaré ; il fallait à toutes