Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/167

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la prodigieuse affection qui remplissait le cœur de ce jeune homme flegmatique, et la vénération qu’elle avait conçue pour lui l’autre jour au Bois la reprit tout à coup comme envers un thaumaturge.

« Va-t-il mieux, monsieur, votre petit frère ? » lui demanda-t-elle brusquement, avec cette aisance qui relie les âmes affiliées déjà entre elles secrètement par une parenté morale.

Et comme une conversation, tout de suite cordiale et amie, s’établissait entre eux, Mme de Bronchelles eut une sensation rapide, qu’elle sentait poindre dans son esprit depuis un moment, et qu’elle repoussait chagrinement : c’est que l’âme de ce normalien privé des dons de la fortune, sans éclat, sans nom, ignorant du succès et de la gloire, montait, montait dans son estime, dépassant l’autre, la magistrale personnalité de Nouvel, dont la vanité se faisait impérieusement sentir. Un parallèle s’établissait de force entre l’un et l’autre, par l’obligation qu’elle avait de sonder, à cette ultime minute, le mérite intime du mari d’Annette. Ce Nouvel, elle l’avait surtout connu par ses œuvres. Avant qu’il ne se révélât auteur, elle n’avait pas discerné chez lui ce raffinement de sentiment, cette exubérance d’émotion, qu’il avait