Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/169

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dépouiller les faux prestiges dans l’épreuve de la vie commune. Elle eut pour Annette une peur soudaine et indécise ; puis l’ancien idéal auquel elle magnifiait le jeune maître dans son esprit, et qui était trop solidement édifié pour s’évanouir d’un coup, la rassura. Elle se rappela ses paroles « Je lui apporterai une adoration émue, un culte tendre, un rajeunissement miraculeux. » Et le charme de son verbe, toujours ému, était tel, que, sur cette déclaration frivole, elle lui escompta un flot de passion sincère pour la quarteronne.

Le parfum gai du thé qui passait fit une évolution dans les pensées un peu sombres qui s’agitaient dans le cabinet de Nouvel depuis ce jour-là. Ce breuvage amenait régulièrement la joie dans la soirée ; rien que de humer sa tiède fumée subtile, les jeunes filles causaient plus haut, les éclats de rire sonnaient, les robes claires papillonnaient, les tasses couraient de main en main, puis le grignotement des pâtisseries commençait.

« Moi, déclara Frida, j’ai connu un gentil-homme…

— C’était Mister Solomon, confia tout bas Nelly.

— Un gentilhomme qui, après un pari contre un Américain, a bu cinquante tasses de thé.

— Avez-vous connu la théière ? » demanda