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Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/170

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l’irrésistiblement drôle Giuseppa, dont on trouvait toujours le minois fripon quand il y avait à répondre.

Seule, Annette se tenait à l’écart de la gaîté. L’échec de Nouvel avait non seulement peiné profondément son cœur aimant, mais il était un attrait de plus — et celui-là plus insinuant, plus doux et plus puissant que l’attrait de sa gloire attaché à l’écrivain. L’atavisme du servage qui régissait encore ses affections, sous la forme distillée d’un incompréhensible besoin de se donner, faisait de ce déboire un dernier appel à son âme déjà dévouée. Elle avait aimé Nouvel pour l’éclat de son talent son amour, à cause de cette traverse, devenait soudain plus vif, et-ce qui fait le délice d’aimer plus désireux de consoler en s’immolant. Et de ce sentiment qui la rendait tout à coup grave, elle concevait un besoin de recueillement et de solitude. Elle s’exaltait dans son rêve intérieur, d’une poésie inexprimable, que le bruit offensait. Elle s’approcha de Frida :

« Voulez-vous chanter une dernière fois encore avant le départ ? » supplia-t-elle.

Toutes sortes de causes avaient en quelques jours modifié les sentiments des deux miss Allen à l’endroit de cette « mulatto venue du pays noir ».