Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vitalité méridionale se condensait à l’intérieur, compressée par une sauvagerie défiante, qui lui avait enseigné à craindre tout. Personne n’avait jamais pénétré son âme obscure, mais on pouvait dire en revanche que son âme obscure avait pénétré toutes celles dont elle s’était approchée ; quand ce n’avait pas été par sa perspicacité profonde, au moins par le moyen plus brutal de l’indiscrétion. Et ce besoin d’apprendre, de savoir, de surprendre des insignifiances qui ne regardaient qu’autrui, était bien moins le fruit d’une vulgaire curiosité qu’une immense méfiance ; l’imagination d’une hostilité qui l’aurait enveloppée, et dont elle n’aurait pu se défendre que par ruse. Le chagrin par lequel elle venait de passer, et dont André Nouvel était la cause, n’était pas de nature à guérir son extraordinaire manie. Mais, ce qu’il y avait de particulier, c’est que c’était surtout à l’endroit de l’écrivain, dont elle s’exagérait la malveillance à son égard, que s’exerçait maintenant sa mise en garde.

Pour que les paroles des deux jeunes gens pussent lui parvenir aussi nettement, il fallait qu’eux aussi, de l’autre côté de la porte, fussent installés sur le divan de cuir rouge qui barricadait élégamment cette issue.