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Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/175

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autres rêvent ne serait pas pour toi une entrave, un obstacle, un morcellement de toi-même ? Un écrivain comme toi est marié à sa plume, va ! S’il lui est infidèle, c’est une personnalité qui s’écroule, et s’il veut être fidèle à la plume, à la vie de la plume qui est si particulière, si différente de la vie bourgeoise, il lui faut sacrifier la femme qu’il a épousée. Voilà mon dilemme, mon cher. Tu t’engages inconsidérément dans cet état qui n’était pas fait pour toi ; si tu veux être bon mari, il faudra que tu cesses d’être l’homme de lettres dont tu as si parfaitement tenu le rôle jusqu’à aujourd’hui. Mais si tu tiens à ton métier, qui est peut-être le plus séduisant et le plus généreux, par pitié pour la jeune fille que tu as choisie, que je ne connais pas, mais que je respecte et estime à cause de ton choix, ne l’épouse pas ! »

Les romances s’étaient tues. Toutes les attentions avaient passé des lèvres de Frida à celles d’Ogoth, qui disait les paroles d’une chanson danoise, tout en esquissant l’air du bout du doigt sur les touches. Vittoria feuilletait avec ostentation un catalogue qu’elle avait eu la bonne fortune de trouver sous sa main, et qui expliquait sa solitude. Par les fentes de la porte, de minces filets de fumée venaient jusqu’à elle, émanant du