Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/184

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Cette fois, la signorina hésita. Elle n’était pas absolument dépourvue de pitié ; malgré la maturité précoce de sa fermeté dépouillée de tendresse, elle vivait encore dans la première jeunesse, dans l’âge qui est celui de la fraîcheur d’âme et de la bonté, et il lui était loisible de voir la souffrance d’Annette qui la touchait. En venant ici, bouleverser la quiétude de la quarteronne, elle n’avait pas obéi à une vulgaire perversité jalouse ; il lui avait été simplement odieux de penser que cette amie qu’elle affectionnait selon ses moyens allait être le jouet d’un simulacre d’amour de la part de cet abhorré Nouvel, et elle s’était empressée de lui montrer la vérité, telle que les circonstances la lui avaient fait connaître. Seulement, elle éprouvait maintenant ce que cette vérité avait de cruel pour l’autre.

Elles restèrent ainsi debout pendant de longues secondes. La dure Florentine sentait son cœur s’amollir et une émotion inconnue la gagner devant ce regard déchirant d’Annette dont les grandes prunelles limpides la suppliaient, et elle ne pouvait se résoudre à lui répondre. Puis, tout à coup, l’image de Nouvel lui apparut, elle se souvint de sa peine à elle, de ce qu’il l’avait fait souffrir, quand elle aussi s’était crue aimée et