Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/190

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pensée, mais un poison d’une amertume inouïe s’associait à son souvenir. Dire qu’il voulait faire d’elle sa femme ! et que, tout en servant ainsi le souhait ardent qu’elle ne s’était pas exprimé, c’était par intérêt qu’il agissait ! Dire qu’il voulait l’épouser et qu’il ne l’aimait pas !

Avec un peu d’expérience, et surtout de cette mélancolique résignation qu’on prend avec les années, Annette se serait dit que le grief était léger contre cet homme de talent qui combinait sa sympathie avec des causes de succès, pour servir son ambition ; elle aurait constaté avec plus d’indulgence cette fragilité masculine, si incapable de se soutenir dans la vie pratique à la hauteur de ses conceptions dans la vie intellectuelle. Mais elle avait dix-huit ans ; elle avait aimé l’auteur raffiné de Martiale, le chantre de l’amour des femmes, le poète du cœur. Elle l’avait aimé avant de l’avoir vu ; le voyant, elle avait cru le reconnaître, et c’était à celui-là seulement qu’elle s’était vouée, avec cet abandon pieux qui est la noblesse de sa race maternelle dans ses grands dévoûments. Toute sa douleur maintenant, toute sa déception affreuse venait de ce que l’homme se révélait sous l’artiste.

Et la pauvre petite exilée sentait, en s’exagérant