Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/198

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désenchantement soudain de la créole, il était d’une inconcevable opportunité. Elle respira les saines odeurs champêtres qui s’en exhalaient, et l’amour de la nature, qui y était palpitant. On était à ce lointain prélude du printemps qui est la fin de février. Après les dernières gelées, des pluies tièdes étaient venues, dont l’action fermentait en terre, et qui laissaient dans l’air une douceur moite où se gonflaient les bouts des branches. À mesure qu’elle lisait, Annette sentait s’éveiller en elle un attrait réconfortant pour cet épanouissement végétal du printemps de France, moins brutal et moins riche que ceux de chez elle, mais qui, plus lent et plus mystérieux, s’accordait mieux avec la crise morale qu’elle traversait. La glorification des règnes subalternes, dont Nouvel avait fait l’esprit de son livre, la pénétrait aussi. Cette théorie des alliances que l’homme contracte avec les êtres humbles par l’alimentation et cette gigantesque affiliation de toutes les créatures entre elles la remplissaient d’un calme bienfaisant. Elle se disait que les hommes sont méchants, menteurs, changeants, mais que la nature inférieure est moins décevante et elle se tournait désespérément vers elle, sachant bien qu’elle ne lui était pas étrangère.