Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/214

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la croisaient, toute seule à veiller sur cet enfant ; et elle se laissait prendre volontiers à une illusion de maternité très douce, qui rappelait des amours de fillette déjà grandie pour une poupée, mais avec quelque chose de plus réel et de plus solide. La déception que lui avait préparée si durement André Nouvel lui paraissait déjà lointaine, comme une blessure dont la souffrance était désormais habituelle ; il lui semblait qu’elle était très vieille, qu’elle avait goûté jusqu’au fond l’amertume de la vie, et qu’elle se penchait maintenant avec un sentiment d’aïeule vers ce petit qui était pour elle la sincérité et l’ingénuité de l’enfance.

Sa rêverie était pour elle aussi une espèce de sommeil que berçait, en même temps que celui d’Étienne, le doux ronronnement du vent dans les branches. Elle ne pensait pas au temps qui s’écoulait, tournant seulement par instants la tête vers cette issue par où l’enfant avait annoncé que quelqu’un viendrait. Elle roulait la voiture d’un mouvement très lent, de quelques mètres seulement sur le sable.

« C’était quelque fantasmagorie de gamin fiévreux qui lui passait par la tête, se disait-elle. ne voyant rien venir ; c’était un rêve qu’il commençait. »