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Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/243

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c’était tellement inespéré d’être aimée avec cette sincérité, par celui-là même qu’elle mettait dans son esprit au-dessus de tous les autres.

« Moi aussi, je voulais vous dire quelque chose, reprit-elle à mi-voix ; j’avais bâti un projet exquis dont l’illusion avait fait ma joie depuis des semaines, quand pourtant je n’ignorais pas que vous ne voudriez jamais. Votre petit Étienne a apporté dans ma vie un bonheur que je ne connaissais pas. J’ai toujours vécu un peu solitaire, je ne sais pas ce que c’est que la famille ; je n’avais ni frère, ni sœur, et je voyais peu mon père chez nous ; votre frère à vous a été pour moi tout ce qui m’a manqué jusqu’ici ; c’est justement parce qu’il a besoin d’être plus aimé qu’un autre qu’il avait pris toute mon affection. Je brûlais d’envie de vous le demander, de l’emporter dans nos les Antilles où le soleil et l’air chaud mettent de la vigueur dans la sève des plantes et dans le sang des enfants ; je vous l’aurais rendu robuste et beau ; j’y aurais passé ma jeunesse à le guérir, mais croyez-vous que ce n’aurait pas été une jeunesse heureuse ? Eh bien ! voyez quelle triste destinée nous exécutons ! vous m’enlevez Étienne, vous m’arrachez ce qu’il y a de meilleur dans ma vie ; et, pour une raison que j’ignore, moi aussi