Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/257

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pour ne point discerner quel sentiment de curiosité seul elle m’inspire.

« Maintenant, souffrez que je ne vous parle pas de mon voyage ; je vous en ai dit assez jusqu’ici pour que vous ayez vu en moi un homme très mécontent de son sort ; ce que je pourrais ajouter aujourd’hui, sur l’Italie et ses merveilles, se ressentirait de ce fait que j’ai encore réel et vivant le pays sous les yeux. Que voulez-vous ? je suis ainsi fait la réalité m’offusque plus qu’elle ne me charme ; malgré l’infinie émotion d’art que je m’étais promise en ce voyage, je suis resté froid devant tout. Je n’ai rien senti à Rome, où j’ai gratté du bout de ma canne la pierre du palais des Césars ; à Venise, je suis demeuré pareillement insensible, et je me serais battu pour n’avoir pas laissé couler mes larmes devant la cathédrale de Milan, la nuit que je l’ai vue — une nuit sans lune — se profiler toute noire sur le noir du ciel.

« Seulement j’ai désormais toutes ces choses dans l’âme ; j’ai emmagasiné, voilà tout. Il se fait maintenant dans mes souvenirs une élaboration bien curieuse. Mille petites architectures irréelles s’édifient dans mon cerveau ; bientôt je n’aurai qu’à fermer les yeux pour revoir, nuageuses et