Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/271

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Ne vous êtes-vous jamais demandé si, dans les replis ignorés de mon cœur, ne dormaient pas de douloureux souvenirs, de petits chagrins, de grandes et mystérieuses peines ? »

C’était le langage qu’André Nouvel prêtait au sourire d’Ogoth, et qu’il écoutait troublé. Voir une femme jeune, jolie et charmante vous dévoiler un coin de sa mélancolie n’a jamais manqué d’émotionner le premier venu qui l’écoutât ; mais Ogoth était un peu plus qu’une femme : elle était un peu plus que jolie et charmante ; elle avait dans sa silencieuse personnalité l’ascendant de son intelligence, sa maîtrise virile, et à cet instant, elle ressemblait à une belle statue de marbre qui eût été non seulement pensante, mais dont les yeux, soudain pris de vie, eussent laissé perler des larmes. Oui, les larmes n’étaient pas loin. Ogoth semblait songer à des choses infiniment tristes. À ne pas répondre quand Nouvel l’avait presque accusée de ne souffrir point, elle avait à demi confessé qu’elle souffrait ; et voilà que, décontenancé, l’écrivain qui excellait à dérouler en de savants dialogues scéniques les plus tragiques situations restait muet et sans trouver le mot à dire, parce qu’il venait d’entrevoir et de comprendre cet abîme, et à la fois cette simplicité, qu’était le cœur d’Ogoth.