Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/287

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— Je l’a juge sévèrement, dit Ogoth, car je déteste l’exagération ; et puis je vois dans sa dureté moins d’orgueil encore que de vanité, et j’ai cette faiblesse, si je suis indulgente aux orgueilleux, de ne pardonner la vanité à personne. Voyez-la au dernier chapitre, quand elle repousse et force au suicide le malheureux Sworden ; elle a bien moins en vue l’idéal de son œuvre que celui du personnage qu’elle veut réaliser aux yeux du monde. La vanité ! quelle plaie, monsieur Nouvel ! c’est parce qu’elle est la base de tous les rapports mondains, qu’il n’y a entre les hommes ni franchise, ni simplicité, ni bonté. »

Et quand elle disait cela, la loyale Ogoth, de sa voix retenue, avec l’expression tranquille et profonde que possédaient ses yeux, Nouvel, en dépit de sa maîtrise, de sa célébrité, de sa force d’esprit, se sentait moralement dominé par cette étrange jeune femme. Chose curieuse, en l’écoutant il éprouvait la confusion qu’il aurait eue à s’entendre reprocher le défaut intime qui régissait sa vie. Par une insaisissable déduction, il se rappela soudain Annette, qu’il avait conçu le dessein d’épouser, il y avait deux mois à peine, et dont il se souvenait si peu maintenant, parce que la source même de sa résolution avait été cette