rable jeune fille, l’essence même de son âme méconnue, faite de noblesse, de raffinements et de sensibilité. Seule elle avait le sens de ce départ clandestin. Nouvel serait venu ; il aurait, prié avec l’éloquence que donne ce grand amour qui le possédait ; elle n’aurait peut-être pas su résister à l’honneur de changer son nom attristé contre ce nom français glorieux et sain ! Elle avait eu cette fierté timorée, la peur que la vieille dame à cheveux blancs ne vit en elle une intrigante. Qui sait ? Elle avait peut-être un cœur secrètement tendre qu’elle aurait donné trop faiblement, elle se serait peut-être laissé aimer comme une autre, et, se défiant de soi, elle s’en était allée sans que sa sereine hauteur eût jamais fléchi.
Ne la revoir plus jamais ! quand on avait encore devant les yeux sa place vide, son assiette mise là pour le repas du soir, si joyeux d’ordinaire ; sa serviette qu’elle-même avait roulée ce matin sans songer à ces choses navrantes ! Et ce qu’il y avait de plus triste encore, c’était d’entendre ces pauvres Allemandes qui ne comprenaient rien à ce qui se passait, et qui répétaient, en soupçonnant le chagrin inconnu : « Fräulein Ogoth ! Fräulein Ogoth !… »