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Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/65

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précipita sans réflexion sur le livre qu’elle était avide de posséder dans ses mains, et elle le retourna d’abord dans tous les sens, plongeant son regard dans le safran uni, profond et doux de la couverture ; elle relut dix fois le nom d’André Nouvel écrit en petits caractères discrets au coin du livre ; elle regarda le nombre de pages du volume, puis elle le feuilleta, happant au hasard des yeux des phrases dont les plus piquantes devaient lui rester dans la mémoire, et quand ce petit manège eut duré peut-être cinq minutes, elle rendit le livre à Mme de Bronchelles qui l’observait en silence, pleine d’intérêt pour cette nature riche de vie, si capable de faire honte à la mollesse des vieilles races apathiques.

« C’est très bien, décida la créole, très bien. »

Et un sourire glissait avec mystère sur ses lèvres grisâtres, un sourire confiant dans le pressentiment d’un heureux lendemain. Elle pensait certainement à ce thé du jeudi, chez l’auteur de ces lignes suggestives à qui son talent, son incognito et surtout le charme sentimental de ses œuvres donnaient un attrait souverain, et elle avait le sens d’attendre dans l’avenir quelque chose d’exquis, à la fois sûr et vague.

Et ce fut cette même joie indécise qu’elle