Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/82

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veille avec Vittoria cet aphorisme un peu hardi :

« On a beau affranchir la race noire, ses enfants naissent toujours esclaves, sinon socialement, du moins dans leur vie morale. » L’aphorisme semblait se réaliser en partie dans cette curieuse nature si complexe de la quarteronne, chez laquelle c’était un trait principal que de se plier devant tout ce qui était impérieux avec une grâce humble de chien couchant. Ce n’était pas la servilité dont la Norvégienne avait dit le mot, mais une docilité naturelle, faite d’humilité et de douceur, capable seulement de révoltes accidentelles, et toujours prompte à se reprendre, comme un pli indélébile imprimé à la descendance par une habitude héréditaire. Assise sur une chaise basse, sa main aux ongles blêmes cachée dans l’épaisseur laineuse de ses cheveux châtains, elle s’abaissait avec une sorte de délire sous la souveraineté séduisante de celui qui lui parlait, et qui se doutait si peu que chacune de ses paroles lui enchaînait de plus près cette petite esclave aimante.

« Vous lisez donc dans les âmes ? demanda-t-elle tout à coup, en levant timidement son regard dévoué.

— Quelquefois…

— Toujours, interrompit Ogoth Bjoertz, qui