Page:Yves - La Pension du Sphinx.djvu/92

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de leurs attitudes. Annette était toujours assise sur la chaise basse, la tête penchée, les mains croisées dans un geste de religion ardente. André Nouvel la dominait de sa haute taille et de son siège plus élevé, semblant parler seul, tantôt sur le ton protecteur d’un homme qui s’adresse à une petite fille, tantôt avec la vénération d’un artiste pour une statuette précieuse. On le voyait à la fois intrigué par cette juvénilité excessive de la créole, qu’un accès de sauvagerie repliait sur elle-même, et admiratif de ce spécimen nouveau de jeune fille, qui était un modèle exquis.

La pénétrante Italienne observait ces nuances avec le cruel délice de la jalousie. Désormais, ce n’était plus entre Nouvel et elle que se jouerait son drame muet ; la quarteronne, cette intruse de « Café au lait », y entrait pour une large part, et la pauvre petite Annette, toute à l’étonnement de son premier amour, ne soupçonnait pas ce qu’avait de dangereux le rôle qu’elle prenait là.

Une odeur forte de thé inonda tout à coup le premier salon, et l’on s’aperçut que le laquais avait sans bruit soulevé une portière, et qu’il se tenait près de la porte, chargé du plateau et de la