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introduction

Laurent le Magnifique, donne Michel-Ange pour compagnon à ses fils et à ses neveux. Charles-Quint accorde à Titien le titre et les privilèges de comte palatin et de conseiller impérial. Quelle influence, quel crédit que ceux de ces secrétaires pontificaux, presque tous humanistes ! Ils rendent de continuels services dans la vie publique, jouent un rôle politique dans les conciles de Bâle et de Constance, sans perdre de vue les intérêts des lettres : Pogge, au moment des démêlés entre le monastère de Hersfeld et le Pape, promet d’arranger l’affaire s’il obtient le manuscrit qu’il désire[1].

La culture intellectuelle permet donc d’espérer tous les honneurs, elle assure tous les avantages. C’est elle qui, dans l’Église, conduit aux dignités ; rappelons la rapide fortune d’Enea Silvio Piccolomini[2] qui s’éleva d’une situation voisine de la misère à celle de secrétaire particulier des grands dignitaires de l’Église ; il se fit connaître et apprécier par lui-même, prépara sa grandeur future, alors que rien cependant, dans le rôle hostile qu’il avait joué contre le Pape au concile de Bâle, ne l’y avait destiné, non plus que sa vie facile, au milieu d’amis voués au culte de l’Antiquité, mais adonnés à des mœurs rien moins qu’irréprochables. Moins haute, mais pourtant aussi rapide, est la fortune de Bessarion[3]. Lui aussi, de modeste extraction, s’élève de dignité en dignité, jusqu’au moment où, archevêque de Nicée, il accompagne l’empereur grec en Italie, travaille à la réunion des deux Églises, et enfin obtient la pourpre cardinalice.

Une telle expérience devait modifier l’idéal que concevait le Moyen Age. À la Renaissance, on est d’autant plus goûté que l’on se distingue davantage de la masse. La meilleure des règles de vie est alors de se fier à sa nature propre, dont il s’agit simplement de développer librement et harmonieusement toutes les forces. Dans cet idéal, rien d’impersonnel, rien d’absolu : il est relatif à chaque individu, soucieux du quiddam suum ac proprium, soucieux par suite de surpasser les autres. Qu’on se rappelle à ce sujet les terribles

  1. Cf. Pastor, Histoire des Papes depuis la fin du Moyen Age, trad. Furcy Raynaud, vol. I (Paris, 1901).
  2. Cf. G. Voigt, Enea Silvio de’ Piccolomini als Papst Pius der Zweite und sein Zeitalter, 3 vol. (Berlin, 1856-1863) ; Die Wiederbelebung des classischen Alterthunis, 2 vol. (Berlin, 1880-1881). Cf. Burckhardt, La civilisation en Italie au temps de la Renaissance, trad. Schmiit, vol. I, chap. III (Paris, 1885).
  3. Cf. Vast, Le cardinal Bessarion (Paris, 1878).