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Page:Zola - Œuvres critiques, 1906, tome 2.djvu/383

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note suivante, qui confirme la lettre qu’on vient de lire :

« Monsieur le lieutenant d’artillerie Zola a présenté au ministre de la guerre une notice, avec plans à l’appui, sur une espèce de fortification applicable à Paris. Cet ouvrage a été envoyé au comité du génie pour être examiné, et M. le lieutenant-général Nugues m’a chargé de cet examen.

« Je n’ai pu encore que jeter un coup d’œil superficiel sur cet ouvrage ; mais il m’a paru annoncer dans son auteur un esprit d’observation et de calcul qui pourrait s’appliquer avec succès à toute autre chose ; ses dessins sont corrects et bien présentés ; et je ne doute pas que M. Zola ne pût remplir avec distinction la place de capitaine qu’il sollicite, en ce moment, dans la légion étrangère.

« À Paris, le 4 mai 1831.

« Le maréchal de camp,
« Prévost de Vernois. »

Mon père, nommé lieutenant dans la légion étrangère, partit pour l’Afrique, et son projet de fortification dut dormir dans quelque casier du ministère. Après l’obscure aventure où il se trouva compromis, il revint à Marseille, ouvrit un cabinet d’ingénieur, s’occupa du nouveau port qu’il était question de construire, sollicita et obtint du prince de Joinville une audience pour être autorisé à donner le nom de « Docks Joinville » à tout un système nouveau de magasins qu’il avait imaginé, puis revint enfin à son projet de fortification, lorsque les discussions s’ouvrirent sur la façon de fortifier Paris. Le 20 septembre 1840, il écrivit une longue lettre à M. Thiers, alors président du conseil. Ensuite, il voulut voir le roi Louis-Philippe lui-même, il s’adressa à l’aide de camp de service pour demander une audience au roi ; et sa lettre commence ainsi :

« En 1836, j’ai eu l’honneur d’être présenté à Sa Majesté par le général comte d’Houdetot. Aujourd’hui, une question plus grave m’impose le devoir de solliciter de Sa Majesté une nouvelle audience… »

Voici la double réponse qu’il reçut :

AIDE DE CAMP
de service
près du roi
« Palais de Saint-Cloud,
9 octobre 1840.

« L’aide de camp de service a l’honneur d’informer M. Zola que sa demande d’audience a été mise sous les yeux de Sa Majesté et qu’il s’empressera de lui transmettre les ordres du Roi aussitôt qu’il les aura reçus.

« Le Roi a ordonné que la pièce qui accompagnait la lettre de M. Zola fût renvoyée à M. le ministre de la guerre, et ce renvoi a été immédiatement effectué. »

MINISTÈRE
DE LA GUERRE
cabinet du ministre

« Le ministre de la guerre désirerait s’entretenir avec M. Zola de l’objet d’une lettre qu’il a écrite au Roi avant-hier, et il lui serait obligé de vouloir bien passer à son cabinet, ce soir vers six heures, en apportant les documents qu’il se proposait de soumettre à Sa Majesté.

« Samedi, 10 octobre 1840.

« Le chef de cabinet,
« Bourjade. »

Ce sont ces diverses pièces qui m’ont fait penser qu’un dossier devait exister au comité du génie. Et l’on comprend aisément que ce dossier-là m’intéresse autant que les deux autres. N’est-ce pas extraordinaire, ces trois dossiers, à des angles si différents, l’un d’où l’on sort la lettre Combe, l’autre où je découvre la lettre Rovigo, le troisième qui doit dire les grands travaux de mon père ?

Ainsi un pont est jeté par-dessus les événements de 1832. Mon père a déposé son projet dès 1831 ; et voilà, quatre années après que l’histoire de sa démission a été portée jusqu’au roi, voilà le roi qui le reçoit en 1836, sur la présentation du général comte d’Houdetot ; et, après quatre années encore, en 1840, voilà qu’il est reçu par le ministre de la guerre, auquel il expose son système nouveau de fortification. Le roi ne se souvenait donc pas ? on avait donc perdu la mémoire, au ministère de la guerre ? Comment veut-on que j’admette une tache ineffaçable, lorsque je vois ainsi mon père rentrer partout le front haut ? La vérité n’est-elle pas aveuglante, et ne comprend-on pas qu’il avait expliqué sa conduite et que rien ne restait de son erreur possible d’un moment ?

Avant le mois de mai 1832, le dossier administratif dit lui-même quel homme remarquable était mon père : il parlait et écrivait trois langues, l’italien, le français, l’allemand ; il pouvait produire les meilleurs états de service, lieutenant dès l’âge de dix-sept ans ; il avait aidé, en Allemagne, à l’exécution des plus remarquables travaux. Après le mois de janvier 1833, d’autres documents le montrent d’une activité extraordinaire, se dévouant à la France, s’occupant du port de Marseille, des fortifications de Paris, du canal qui devait porter son nom, à Aix. Et partout où il passe, il est respecté, il est aimé. Et, lorsqu’il meurt, en 1847, il laisse la mémoire d’une grande intelligence et d’un bienfaiteur.

Comment veut-on que je croie à la parole de ceux qui le couvrent d’outrages et que je ne mette pas en doute l’authenticité des documents qui font de lui le dernier des misérables ?

En concluant, je ne reculerai pas devant la douloureuse nécessité où l’on croit m’acculer, de dire mon sentiment personnel sur l’histoire obscure de 1832. On pense bien qu’elle me hante, j’ai passé des nuits à la discuter, à tâcher de la