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- Cannes, Villa Delamp,
- Samedi, (31 mars 1866)
- Ma bonne petite,
Ne m’en veuille pas, si je ne t’ai pas écrit dès hier. J’ai dû, à peine sorti du lit où j’avais dormi toute la matinée, fatigué de ma nuit en chemin de fer, sortir avec le cher Lefébure. Hier et aujourd’hui ont été consacrés à visiter Cannes, le port, et la plage, qui sont autant de merveilles. Lundi, j’irai aux îles [1] en bateau, et mardi à Nice.
Ma pauvre chérie, que nous te regrettons à toute minute, devant cette mer bleue et divine, qui joue à nos pieds, et se perd à l’infini ! Vraiment, j’ai parfois envie de te faire venir ici, et de demeurer l’été, avec un congé. Si, comme me le dit Lefébure, je pouvais trouver des leçons ! Que cet air et ce soleil te seraient bons. Déjà, avec tant d’heures de paresse et de promenades, choyé par le bon Lefébure, il me semble que je ressuscite [2]. Le ciel est un azur de Pâques.
Je veux te raconter ma soirée à Avignon. Pas d’Aubanel. Les Brunet ont été charmants, mais hélas ! pauvre mignonne, ne m’ont chargé pour toi que de leurs meilleures amitiés, sans oser, peut-être, t’inviter.
Que fais-tu donc, seule, mon enfant ? Et que devient petite Geneviève. Lui parles-tu de papa, et dit-elle : « Le monstre ! »
Raconte-moi bien ta vie, chère abandonnée, qui en as le temps. Pour moi qui ne suis à la villa de Lefébure qu’avant les repas, je dois te quitter, car on couvre la table.
Pardonne-moi de ne guère t’envoyer dans cette lettre que des baisers ; les détails et les histoires, je tiens tant à te les dépeindre à loisir, que j’attends les premiers jours de notre réunion.
Adieu, donc, bon ange, prends courage et pense à moi, comme je pense à toi devant tout ce [qui][3] est beau. Je t’envoie mille baisers que tu partageras avec ce bon « Rotet »[4].
- Ton
- STÉPHANE.
= Je t’écrirai dès que j’aurai ta réponse. = Tu me diras si l’on m’a fait demander au Lycée Vendredi, et ce qui a pu arriver ; ― si on a le Mardi ; ― et tout. = Si, du Lycée, on demandait une « note d’examen de Pâques » tu la trouverais en plusieurs pages, avec ce titre, rien qu’en ouvrant mon buvard de classe = Soigne-toi bien, et tâche de te distraire un peu = Je profite de ces derniers mots pour t’embrasser encore.
- Ton STÉPH.