À Vittoria Colonna

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Michel-Ange, et Vittoria Colonna
Texte établi par Auguste Lannau -RollandDidier (p. 171).
SONNET Ier[1]


À Vittoria Colonna

Un artiste éminent ne conçoit aucun sujet qu’un marbre ne puisse renfermer dans son sein ; mais seule y parvient la main qui obéit à l’intelligence.

Ainsi se cachent en toi, femme charmante, altière et divine, le mal que je fuis et le bien que je me promets, mais tout mon art, pour que je ne puisse plus vivre, n’obtient qu’un effet contraire à celui que je désire.

Ce n’est donc ni l’amour, ni ta beauté, ni le hasard, ni ta dureté, ni un grand dédain, qui sont les causes de mon mal ; ni ma destinée, ni le sort,

Si dans ton cœur tu portes à la fois la mort et la pitié [qui serait ma vie] et si mon talent impuissant, malgré son ardeur, ne sait en obtenir que la mort.

SONETTO I

Non ha l'ottimo artista alcun concetto,
Ch' un marmo solo in se non circoscriva
Col suo soverchio, e solo a quello arriva
La man che obbedisce ail' intelletto.

 Il mal ch' io fuggo, e 'l ben ch' io mi prometto,
In te, donna leggiadra, altera, e diva,
Tal si nasconde, e, perch' io più non viva,
Contraria ho l'arte al desiato effetto.

Amor dunque non ha, nè tua beltate,
O fortuna, o durezza, o gran disdegno,
Del mio mal colpa, o mio destino, o sorte,

Se dentro del tuo cor morte e pietate
Porti in un tempo, e che 'l mio basso ingegno
Non sappia ardendo trame altro che morte.

  1. Varchi, contemporain du poète, composa sur le sonnet une très longue dissertation, qu’il lut à l’Académie de Crusca, et qui a été reproduite pa M. Biagoli dans l’édition des poésie de Michel-Ange qu’il a publiée en 1821, à Paris.