À l’ombre de mes dieux/Doctrine

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À l’ombre de mes dieuxLibrairie Garnier frères (p. 10-11).
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DOCTRINE


I


Sémélé roule aux vents, dissoute en cendre chaude,
Actéon court, planté d’un mortel andouiller,
Mais ni l’atroce aboi ni l’éclair meurtrier
N’ont pu décourager la Malice et la Fraude.

Autour des dieux cachés l’impie effronté rôde,
Sans voir qu’au néant sombre un viril or guerrier,
Ni qu’un souffle assassin d’Érythrée en maraude,
Fait au front du Génie expirer le laurier.

Puisse ma voix fléchir ta rigueur vengeresse,
Vieux Saturne ennemi, dieu noir, trouble-allégresse,
Toi ! par qui, sans souci du désespoir humain,


Ni d’étouffer en germe un Rédempteur possible,
L’Amour prête à la Mort son miel irrésistible,
Son chant de flûte et ses deux lèvres de carmin.


II


À quoi bon, ô mortels, importuner les dieux,
Pour en surprendre au ciel l’énigme et le visage,
Puisqu’on peut les connaître ici-bas sans dommage
Ni sacrilège, rien qu’en dépliant les yeux ?

Regardez — l’ouvrier se connaît à l’ouvrage —
Naître et vivre la fleur ; écoutez, en tous lieux,
Ce que le flot murmure aux cailloux au rivage,
Et vous aurez la clé du mot mystérieux.

Sans vouloir attenter aux célestes demeures,
Moi, j’écoute, égrenant le chapelet des heures,
Le cantique alterné de l’aurore et du soir ;

Les dieux ont confié leur secret à la terre
Et jusque dans le moindre atôme de poussière,
Je les regarde vivre ainsi qu’en un miroir.