À l’ombre de mes dieux/La naissance de Vénus

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À l’ombre de mes dieuxLibrairie Garnier frères (p. 25-26).


LA NAISSANCE DE VÉNUS


Tu, dea, tu rerum naturam sola gubernas.
Lucrèce.


 
Tout est bleu, tout miroite. Un souriant vertige
Sort de ce ciel si clair au coloris si pur,
Mais Vénus — ô mes vers, célébrez ce prodige ! —
S’avance suspendue entre le double azur.

La déesse est couchée au bord de sa coquille.
Le jour serpente et glisse à son torse onduleux ;
Sous son bras replié son œil embusqué brille ;
Et l’éclat de midi compose ses cheveux.

La nacre et le corail et les perles vermeilles
Qui respirent sur elle en multiples lueurs,
Racontent la féerie abondante en merveilles
De l’onde sous-marine aux riches profondeurs.


Son écharpe éployée en météore flotte ;
Tout le peuple écaillé d’Amphitrite la suit ;
Un couple de ramiers lui tient lieu de pilote ;
Votre conque, ô Tritons, l’environne de bruit !

Le mystère des soirs, l’allégresse des choses,
La pompe de l’été, sur ses lèvres se joint,
Et cette explosion de flammes et de roses
Rompt la ténèbre accrue et la disperse au loin.

Tout en prend un regain de vie et de jeunesse,
L’air en tire en passant de tels sucs enivrants
Que, sur son grabat nu, le pauvre entre en liesse,
Et qu’un sursaut d’espoir redresse les mourants.