À tire-d’aile (Jacques Normand)/48

La bibliothèque libre.
Calmann Lévy, éditeur (p. 216-218).

VII

AU TEMPS JADIS.


(Chanson.)


Au temps jadis où je l’aimais,
Je souffrais souvent, je pleurais,
J’avais le cœur gonflé de larmes :
Mais ces pleurs étaient pleins de charmes,
Et je ne l’oublierai jamais
Le temps jadis où je l’aimais !


Maintenant que je ne veux plus
L’aimer, — hélas ! soins superflus ! —
Celle-là qui me prit la vie,
Ma chère tristesse est partie,
Et mes beaux malheurs sont perdus
Depuis que je ne l’aime plus.

Ah ! combien valait mieux souffrir !
Souffrir nuit et jour, et gémir !
Combien mieux valait la souffrance
Que cette froide indifférence
Qui ne fait pas même mourir :
Ah ! combien valait mieux souffrir !

Reviens-moi donc, belle douleur,
Tendre chagrin, heureux malheur,
Tristesse qui faisais ma joie :
Qu’un seul moment je la revoie,
Dût cent fois se briser mon cœur…
Reviens-moi donc, belle douleur !


Au temps jadis où je l’aimais
Je souffrais souvent, je pleurais,
J’avais le cœur gonflé de larmes :
Mais ces pleurs étaient pleins de charmes,
Et je ne l’oublierai jamais
Le temps jadis où je l’aimais !